Et si le Web avait fait un tour ?

Et si le Web avait fait un tour ?

Je ne sais pas si c’est l’approche de la quarantaine (l’âge, rien à voir avec le COVID-19), le fait que je devienne un vieux c.. (gare à celui qui dit que je le suis déjà 😱) ou si la tendance est réellement là, mais j’ai l’impression que le Web suit (un peu) le même chemin que le cinéma, la musique ou la mode. L’impression que l’on a fait un tour, et que l’on commence à recycler ce qui a marché (ou pas, cf la mode ou la musique 😅) en lui mettant une étiquette “Nouveau” dessus.

Et ce n’est pas forcément pour me déplaire.

(Crédit Photo ckturistando sur Unsplash)

Back to basics

Cette année, cela fera 20 ans que je travaille dans l’industrie du net (et paie ton coup de vieux au passage). Avant d’en faire ma profession, j’ai appris sur le tas™. N’y connaissant absolument rien, mais voulant apprendre et dompter cette drôle de bête qu’est “le web” j’ai utilisé les outils facilitant la création de page de l’époque. Oui, j’ai commencé à faire mes premières pages sous Frontpage puis sous Dreamweaver. Aaaaaaah, la magie de faire du “DHTML” en glissant déposant des éléments sur la page. Et de se dire qu’il ne suffisait que de transférer par FTP les quelques fichiers dynamiquement créé pour avoir SA page web.

Under construction

Je ne peux m’empêcher de voir une analogie entre ces outils, qui attireront assez rapidement les foudres des intégrateurs web/développeurs quand à la qualité du code généré, et les outils de la mouvance NoCode

Alors, oui, les outils de 2020 sont nécessairement plus évolués que ceux de 2000 (et heureusement), mais pour moi, ils desservent la même finalité que les Frontpage d’il y a 20 ans : c’est pratique et semble simple pour créer une page, un mini site voir même un petit SaaS, mais cela ne remplacera pas les gens, les vrais, qui montent des sites (ceux dont c’est le métier j’entends).

Même levée de boucliers qu’il y a 20 piges donc, entre les intégrateurs et les apprentis sorciers qui pouvaient fièrement exhiber leur page web en disant “ça vous plait, c’est moi qui l’ai fait, et j’ai pas besoin d’être ingénieur informaticien pour y arriver” et les professionnels qui n’y voyaient là qu’un imbroglio de code sans queue ni tête. Mais regardez, après deux décennies, on trouve toujours des intégrateurs, non ?

Ces outils sont, à mon sens, là pour aider et faciliter l’accès à ces technologies, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut en avoir peur. Il y aura toujours besoin de sortir du “jus de cerveau” pour monter un site / un service / une plateforme sur lequel faire reposer son business. Et tant mieux si les non tech peuvent itérer leur projet sur un outil NoCode avant, cela permettra de faire arriver leur projet à maturité avant de le transformer en vrai projet/site/produit.

Server side rendering is the new black

Au début, il y avait le HTML. Puis le CGI (qu’il soit en Perl ou en PHP). Puis est arrivé le JS, pour faire 2-3 animations et de la validation de formulaire côté client. Puis le JS a pris de la place. De plus en plus de place.

node modules blackhole

Alors, avant toute chose, n’allez pas croire que je vais râler contre le JS : je le pratique tous les jours, j’aime ça, même si parfois certains côtés m’exaspèrent (et c’est le cas avec d’autres langages aussi)

C’est juste que, avant, le JS était utilisé pour améliorer une page. Mais fonctionnellement, vous n’aviez pas de JS, elle pouvait continuer de fonctionner. Puis, petit à petit (l’oiseau fait son nid, mais ce n’est pas le sujet), on a commencé à rajouter de plus en plus de JS, et déporté la responsabilité du rendu de la page vers le client. Maintenant, vous devez télécharger plusieurs centaines de Ko de JS pour afficher un “Hello world” (j’exagère mais à peine)

Puis, on s’est dit qu’exécuter du JS côté client ce n’était pas suffisant, qu’en terme de référencement, un GoogleBot ne saura pas exécuter le JS (ou alors pas assez rapidement). Du coup, la tendance suivante a été de générer côté serveur le html (enrichi avec du JS) et de l’envoyer au client. On appelle ça le Server Side Rendering. Ça ne vous rappelle rien ?

Alors, oui bien sûr, ce n’est pas totalement équivalent. Le code rendu et envoyé au client n’est pas aussi basique que ce qu’un PHP aurait pu envoyer, mais quelle complexité et quelle quantité de ressources consommées pour un résultat très fortement similaire.

Et à présent, de nouveaux services arrivent sur le devant de la scène ( hey.com notamment) avec pour incroyable idée d’exploiter les technologie à l’ancienne, en ne rajoutant que ce qu’il faut de nouveauté pour que cela marche. Et vous savez quoi ? Et bien ça fonctionnement plutôt bien.

Back to basics donc.

Le contenu est mort, vive le contenu !

Nous sommes arrivés à une époque ou nous produisons plus de contenus numériques que jamais, et c’est une très bonne chose. Mais trouver et consommer ce contenu s’avère selon moi de plus en plus difficile et chronophage qu’avant. En effet, pour simplifier, à l’heure actuelle, vous postez votre contenu soit sur Facebook, soit sur Instagram, soit sur Twitter, soit sur Medium (j’en oublie volontairement, l’exhaustivité n’est pas le propos). Et si vous voulez cross poster ce contenu entre ces plateformes, il faut recourir à des services tiers. Pourquoi ?

Tout simplement parce que ces plateformes fonctionnent en silo, et qu’elles génèrent de l’audience et de l’argent grâce au contenu que vous produisez. Encore une fois, je n’ai rien contre le fait de publier du contenu sur ces plateformes (d’ailleurs il y a fort à parier que si vous lisez cet article, ils soit arrivé jusqu’à vous par une de ces plateformes), mais toute la mécanique de filtrage, ordonnancement et remontée de contenu en fonction de machine learning et d’algorithme propres à ces plateformes fait que ce n’est pas vous qui décidez ce que vous allez lire/consommer une fois cet article terminé. Cela me laisse comme une impression de tourner en rond, de revoir toujours les mêmes contenus et de passer à côté de nouvelles choses. Et pour la curation de contenu, c’est la multiplication des actions :

  • vérifier Twitter ✅
  • vérifier Facebook ✅
  • vérifier Medium ✅

à répéter ad nauseam.

Personnellement, je suis nostalgique (et je ne pense pas être le seul) de la syndication de contenu (le RSS pour ceux qui s’en souviennent) : vous trouviez un auteur qui vous intéressait, vous vous abonniez à son flux RSS, et vous trouviez sur votre lecteur RSS ses derniers articles : le contenu venait à vous. J’avais même monté une plateforme de lecteur RSS en ligne (ma page) à l’époque (attention les yeux, ça pique fort).

Le corollaire du RSS était pour moi le principe de blogroll et de webring : généralement, un site ou un blog faisait partie d’une communauté traitant du même sujet. Il était alors dans une webring. Mais son auteur pouvait aussi proposer la liste de blog qu’il lisait (le blogroll). Il était alors possible de découvrir d’autre contenu et auteurs en fonction des centres d’intérêts de la personne que vous étiez en train de lire.

Pourquoi on ne parle plus de RSS alors ? Tout simplement pour une histoire de monétisation.
Proposer du contenu exempt de tout habillage est synonyme d’absence de publicité, et donc d’absence de revenu. L’argent fait tourner le monde, et donc le web. CQFD

Néanmoins, même s’il n’est plus sur le devant de la scène et que la technosphère ressasse sans fin la “fin du RSS” (et non la fin de l’URSS, pour elle c’est bien fini), la mécanique est toujours là, et il existe de nombreux clients/lecteurs qui fonctionnent, et même après l’arrêt de feu Google Reader.

Allez, on s’y remet tous, comme au bon vieux temps ?

Slow news day

La page perso 3.0

J’en parlais juste au-dessus : publier du contenu est simple et rapide grâce aux innombrables plateformes existantes. Mais vous ne faites qu’alimenter la machine, vous ne possédez plus réellement votre contenu. Combien de fois êtes-vous arrivé sur une page bloquée par un paywall ? (Medium, oui c’est bien toi que je vise) Que se passe-t-il le jour ou cette plateforme ferme ou décide de rendre tout votre contenu accessible uniquement si vous avez un compte payant ?

J’ai le sentiment que depuis quelques temps, une tendance émerge pour sortir de ces plateformes et redevenir propriétaire de son contenu. Et par la notion de propriété arrive avec la notion d’identité numérique.

L’exemple de Carrd est assez frappant :

Nous ne sommes plus qu’un compte sur Twitter/Facebook/Insta/Medium. Nous sommes une personne, avec un nom, des centres d’intéret et une biographie.
C’est aussi pour ça que j’ai lancé il y a quelques mois Otters.link (bien que la dimension page perso/portfolio soit bien moins poussée sur sur Carrd)

Imaginez : vous couplez votre blog, votre flux RSS et votre page d’identité, vous retrouvez alors VOTRE identité sur le net

Bienvenue dans l’ère de la page perso 3.0 ! Le concept est loin d’être novateur, mais on y revient tout de même.

Identité numérique

Pour conclure

Voilà mon ressentiment sur l’état du Web aujourd’hui. On revoit émerger des tendances qui ne sont que des versions revisitées de ce que nous avons pu connaître, mais en mieux. Espérons juste que comme pour les autres domaines cycliques, nous continuions à voir de l’innovation et pas seulement une sortie de placard de ce que nous avons connu il y a 20 ans. Certaines choses sont passées, dépassées, mortes et enterrées, laissons là où elles sont 😘

Ce billet est en réaction à celui de Max Böck, qui m’a inspiré à enfin coucher sur le papier^H^H^H le markdown mes pensées à ce sujet.

Publié le :
21/06/2020
Dans la catégorie :
Net
Auteur :
Mathieu LESNIAK
Mathieu LESNIAK